Florence Loewy, tu es Libraire, éditrice, spécialiste du livre d'artiste, galeriste et commissaire d’exposition.
Tu es considéré comme une des plus ferventes activistes du livre d'artiste supportrice de ses auteurs les plus pointus. Tu as défendu le travail de nombreux artistes de renom, et tu continues à valoriser le travail d'artistes émergents comme Erik Van der Weijde.
Je suis en train travailler sur une thèse traitant de l’influence du numérique sur l’édition photographique.
Ma théorie principale est qu’une nouvelle histoire du livre de photographie est en train de s’écrire depuis 15 ans, par une explosion des pratiques éditoriales directement connectée au développement et à l’accessibilité des technologies numériques.
OC
Quand et comment as-tu commencé à t’intéresser aux livres de photographies (ou livres d’arts contenant des photographies)?
FL
Le premier livre de photographie qui est rentré dans ma collection est Facile d’Eluard et Man Ray (1935), Dans les années 80, Printed Mater m’a demandé de travailler sur leur stand à la Foire de Bâle, mon « salaire » a été une collection de livres de Ruscha et j’ai compris alors qu’un livre offset tiré à beaucoup d’exemplaires était aussi un "livre d’artiste ». Je suis alors passée de la « bibliophilie » ou « Antiquariat » au livre d’artiste contemporain.
OCY-a t-il un livre en particulier qui t'a marqué et qui t'a convaincu de t’engager dans cette voie?
FL
Je ne me suis jamais spécialisée dans le livre de photo et surtout pas dans les livres de photographes, c’est toujours le travail d’un artiste qui me plait et non l’objet livre.
J’aime Autobiography de Sol LeWitt, Svlogere la propria pelle de Penone, Christopher Wool, Hans-Peter Feldmann, Batia Suter, Céline Duval, Daniel Gustav Cramer..
OC
Que t’inspire la profusion des éditions de livres auto-publiés de ces 10 dernières années?
FL
Comme tu le disais, une accessibilité et une accélération pour les artistes à réaliser leur projet. Et une perte de signification pour le travail du libraire par l’auto-diffusion de leurs livres.
OC
As-tu ressenti un changement important dans la forme des livres dès lors qu’ils étaient conçues avec des logiciels?
FL
Un appauvrissement de la forme, une uniformisation des formats et une prolifération d’images ayant plus ou moins de sens..
Je suis pourtant intéressée par les outils, les révolutions technologiques donc j’attend la même émotion qu’avec les « vieux » livres
OC
À quel niveau se situe selon toi l’influence majeure du numérique sur les publications?
: Modification des contenus, du design graphique, de l’impression, du façonnage, de la diffusion ou de la distribution?
Déjà répondu
OC
"Le livre numérique" dématérialisé va t-il vraiment trouver une place dans le champ de l’édition?
Je ne me sens pas concernée par le livre dématérialisé, j’aime le toucher et la qualité des papiers
OC
As-tu une idée ou un souhait pour le futur de l’édition photographique?
Aucune idée, continuer à produire une oeuvre, ne jamais se cantonner au livre..
OC
Es-tu d’accord si je dis que le numérique a favorisé la création d’une nouvelle histoire contemporaine du livre de photographie qui commencerait dans les années 2000?
Sans doute mais j’appartiens à la génération d’avant !
OC
Effectivement, j’aimerais un peu approfondir une question qui concerne la relation du livre d’artiste à la photographie, car pour moi se créé un rapprochement non négligeable dans les pratiques des jeunes photographes vers le livre d’artiste … je me trompe peut-être mais je pense que Ruscha (même si il n’assumait pas la valeur photographique de ses images) y est pour beaucoup.
OC
Voilà une dernière question :
Y’a t-il une spécificité du livre composé de photographies vis à vis du livre d’artiste?
Perçois-tu une évolution des pratiques à ce niveau là ? une présence de plus en plus marquée de photographies dans les livres d’artistes par exemple
J’ai lu chez Anne Moeglin que c’était un phénomène très récent mais j’ai du mal à avoir une vision claire sur ce phénomène..
FL
Excuse moi mais je ne sais que répondre. Je ne considère pas le livre de photographie comme un genre à part entière. Il me semble que la photographie comme technique a trouvé sa place dès ses origines dans le livre. Qu’entends-tu par livre d’artiste versus livre de photographies ? Pour moi il y a des artistes et des livres..
Bien sûr qu’il y a une présence de plus en plus marquée de photographies dans les livres car j’ai déjà répondu, plus facile de prendre une photo comme plus facile de faire un livre..
Je ne peux pas approfondir une question qui n’est pas la mienne, et je n’aime pas ces classifications stériles que l’on trouve chez Anne Moeglin, définir c’est cloisonner.
Je me sens proche de cette « définition » tout en continuant à aimer les livres de la première moitié du XXème siècle, avant-gardes et bibliophilie !
OC
Merci pour ces éclaircissements.. Je comprends très bien ta position et je la partage d’ailleurs personnellement.. C’est vrai aussi que tout un tas de livres « composés de photographies », la grande majorité des livres publiés par Mack Books par exemple, sont des contenants très soigneusement réalisés mais dont le parti pris artistique en tant que livre ne semble pas aller plus loin que l’editing, le type de papier et la taille du livre. Mais j’aime aussi ces livres et je ne veux pas les exclure de mes préocupations.Pour moi c’est comme la différence qu’il peut y avoir entre un recueil d’écriture broché et un livre d’artiste composé uniquement de texte (l’exemple de Mallarmé est parlant). Sans vouloir faire de classifications, il y a bien un moment ou la structure même du livre va contribuer à l’oeuvre pour la rendre singulière et autonome sur ce support, ce qui ne sera pas forcément le cas d’un recueil de photographies ou de textes. Et pour moi encore, j’essaierai de le prouver par des exemples à l’occasion, le numérique contribue à briser certaines de ces frontières..
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